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Œuvres d'auteurs

RENÉ-JACQUES
visite guidée

René-Jacques (1908-2003)

Biographie

Né en 1908 au Cambodge où son père était administrateur colonial, René Giton découvrit la France en 1917 quand ses parents s’installèrent à Royan (Charente-Maritime). Poursuivant ses études au lycée Buffon à Paris, il emprunta à son père son premier appareil et découvrit les possibilités de la photographie. Bien qu’il prétendît n’avoir lu aucune revue spécialisée à cette époque, ses premières photographies furent intimement liées aux avant-gardes photographiques des années 1920 et ébauchèrent les lignes directrices de sa future carrière. Sensible à l’étrangeté que peuvent créer les ombres, il refusait cependant tout artifice et ne pratiqua ni surimpression ni solarisation.

image floue d'autotamponeuses
Foire du Trône, Paris, 1937

En 1931, il fit l’acquisition d’un Leica et publia ses premières images. L’année suivante, il s’essaya au reportage pour le journal L’Intransigeant et commença à photographier Paris. C’est à cette époque qu’il commença à signer ses images sous le pseudonyme de René-Jacques. Photographe « polygraphe », selon le mot de Willy Ronis, l’un de ses contemporains, il répondit aux commandes des revues et des éditeurs, devint photographe de plateau sur des films de Pierre Weil (1906-1961) et proposa des images pour des publicités.

Depuis 1931, René-Jacques parcourait les rues de Paris et se constitua ainsi un répertoire d’images. Après un projet inabouti avec le poète Léon-Paul Fargue (1876-1947) en 1934, Francis Carco (1886-1958) lui proposa trois ans plus tard d’illustrer le texte d’Envoûtements de Paris. Quand il lui remit une sélection de deux cents tirages légendés de citations du texte, ce furent les lumières de la ville et l’ambiance des quartiers populaires qu’il présenta. Les images ne collaient pas à la description de la ville faite par Carco : pour René-Jacques, l’illustration d’un texte n’était pas sa retranscription littérale.

homme avec une charrette, Notre-Dame se dessine en fond
Pont de la Tournelle, Paris, 1948

Privilégiant l’utilisation du Leica, il faisait ressortir le grain du négatif pour traduire au mieux les ambiances nocturnes ou l’atmosphère des rues sous la neige. Le photographe gardait une certaine distance avec le peuple de Paris des quartiers populaires, recourant, comme Brassaï ou Kertész, aux plans moyens sans entrer dans l’intimité des sujets photographiés.

En 1939, le réalisateur Jean Grémillon fit appel à lui comme photographe de plateau sur le tournage de Remorques. Le film met en scène l’histoire d’amour entre un pilote de remorqueur (Jean Gabin) et l’épouse du capitaine d’un cargo naufragé (Michèle Morgan). René-Jacques exigea pleine liberté dans ses choix de cadrages et de sujets ; il voulait pouvoir photographier les à-côtés du tournage et faire aussi des images pour lui. Grémillon accéda à ses demandes et le photographe se rendit sur le tournage à Brest, où, pendant trois semaines, il réalisa près de 250 photographies sortant du cadre défini par le chef opérateur. Les portraits des deux vedettes passèrent au second plan, ce qui irrita Jean Gabin : plutôt que de se voir exclu, René-Jacques préféra démissionner.

Fort du succès d’Envoûtements de Paris, après une carrière mise entre parenthèses par la guerre, René-Jacques poursuivit son exploration de la ville où il s’attacha à représenter les monuments, la Seine et les lieux méconnus de la capitale. De 1946 à la fin de sa carrière, en 1975, il fut l’illustrateur principal d’une dizaine de livres sur Paris et collabora à une quinzaine d’autres. Délaissant les scènes des rues animées et les ambiances des cafés parisiens à ses confrères Doisneau et Ronis, René-Jacques se fit l’ordonnateur des trésors méconnus de la capitale quand il photographia Notre-Dame depuis le pont de la Tournelle ou le dernier calvaire de Paris, rue de l’Évangile.

ombre du mont saint michel
Le Mont-Saint-Michel, Manche, 1952​​​​​​

Réalisées à la chambre en moyen format, ses images s’apparentent à un relevé méthodique des architectures et des paysages remarquables ou oubliés de la ville. Elles constituaient le cœur de la collection de l’agence photographique qu’il créa en 1947. Farouche défenseur des droits d’auteur pour les photographes, il tint à rester propriétaire de ses illustrations et vit ses images illustrer livres, calendriers, almanachs et pochettes de disques.

Depuis 1945, René-Jacques mit son talent et sa rigueur au service d’éditeurs comme Arthaud et de revues comme Richesses de France, La France à table ou La Revue géographique et industrielle de la France. Pour ses commanditaires, le photographe puisait dans sa riche documentation et réalisa de nouvelles prises de vue en traversant la France de part en part. Au-delà des vues d’architecture, qu’il vendit à l’administration des Monuments historiques, la grande spécialité de René-Jacques resta le paysage. Si, pour certains de ses confrères, la photographie consiste à être là au moment où l’événement se produit, chez René-Jacques, toute image était l’objet d’une méticuleuse préparation. Dans le paysage ou l’architecture, il se devait de « fixer la nature dans un tel moment donné, où l’éclairage la nimbe d’une certaine poésie »(1). Par la magie d’une technique sans défaut et le choix de nouveaux points de vue, il renouvela la vision de sites pourtant maintes fois photographiés par ses prédécesseurs, comme lorsqu’il arrêta son appareil sur l’ombre du Mont Saint-Michel (Manche) sur la baie ou lorsqu’il laissa découvrir la cathédrale de Chartres au bout d’une route. Pour ces commandes, René-Jacques éliminait le détail superflu et l’anecdote de ses images. Pour les construire, il supprimait la ligne d’horizon dans le dépoli de sa chambre, ou jouait sur les diagonales. Au travers des monuments et des paysages photographiés se dégage l’image d’une France intemporelle.

bouteilles de lait en triangle
Publicité pour le lait Maggi, 1960

Photographe reconnu par ses pairs et apprécié de ses commanditaires pour son savoir-faire, René-Jacques développa une clientèle fidèle au cours des années 1950 et 1960. Les campagnes photographiques qu’il mena l’amenèrent à produire une grande diversité d’images destinées à illustrer des revues, des rapports annuels ou des livres d’entreprises. À l’instar de ces commandes industrielles, la photographie publicitaire tint une part non négligeable dans son activité. Attaché aux grands magasins des Trois-Quartiers à partir de 1951, il répondit à de nombreuses commandes comme pour le lait Maggi. Ses études publicitaires comme certaines de ses natures mortes industrielles jouent sur la géométrie de l’alignement des objets à promouvoir, sans pour autant recourir aux artifices du photomontage.

En 1991, conscient de la richesse de son travail photographique, il fit don à l’État de son œuvre. Aujourd’hui conservée à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP), la donation René-Jacques regroupe ses négatifs, un ensemble de plus de 20 000 tirages, ainsi que de très riches archives formées de ses publications, de ses correspondances professionnelles et des planches de tirages de lecture qui servaient à la diffusion de ses images.

(1)Guy Michelet, « Les photographes attendent pour demain le miracle de la couleur », Le Matin, Paris, 23 janvier 1948, p. 2.

Une partie des négatifs et des tirages de René-Jacques numérisés sont disponibles sur POP.

Les archives de René-Jacques sont consultables sur rendez-vous à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie au fort de Saint-Cyr (Montigny-le-Bretonneux).
Contact : mediatheque.patrimoine@culture.gouv.fr

Toutes les images sont de René-Jacques © Ministère de la Culture (France), MPP, diff. RMN-GP

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