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Tirage sur papier albuminé

Deux albums de tirages anciens d’Andalousie sur POP

Originaire de Grenade (Espagne), Raphael Garzón Rodriguez (1863-1923) ouvrit plusieurs studios aménagés de galeries arabes où les voyageurs pouvaient se faire photographier. En plus des portraits mauresques, il excellait dans la photographie d’architecture, notamment des monuments d’Andalousie. Les 49 tirages albuminés de sa production que possède la MAP sont impressionnants par leur format : 55 x 44 cm. Après restauration en 2021 des deux grands albums in-folio (70 x 60 cm) qui les contiennent, ils viennent d’être mis en ligne sur la base Mémoire.

          Rafael Garzón (1863-1923)

Rafael Garzón Rodriguez est né en 1863 à Grenade dans une famille issue de la classe moyenne. Son père, Nicolás Garzón Sánchez, avait une petite fabrique de tissus. C’est au sein de sa famille qu’il découvrit la photographie, son frère aîné ayant épousé la fille de Charles Mauzaisse, un photographe parisien installé à Grenade. Rafael quitta Grenade pour se former à Madrid auprès de Juan Mon, puis, de retour dans sa ville natale, il se perfectionna auprès du portraitiste José García Ayola (1841-?). Après le décès de Charles Mauzaisse en 1883, il reprit son atelier situé au 24 de la calle Real de la Alhambra. Une fois installé, Garzon se maria en 1886 avec María de la Concepción Herranz García, de laquelle il eut huit enfants. Plusieurs d’entre eux furent associés par la suite à son commerce de photographies, de même que son neveu, José Hernández Gómez, son beau-frère, Fernando Fernández Ferrer, le mari de sa sœur María Teresa et le frère de sa femme, Luis Herranz García. Il travailla aussi avec le portraitiste José Camino.

En 1882, avec l’apparition des négatifs au gélatino-bromure, la pratique de la photographie amateur s’était développée, obligeant les photographes à inventer de nouveaux débouchés commerciaux. La première de leurs activités était le portrait photographique réalisé dans le palais de l’Alhambra, mais cette activité particulière causait des désordres dont la presse se fit l’écho. Les voyageurs étaient harcelés par les photographes ambulants qui les empêchaient d’apprécier pleinement le lieu. C’est pour cette raison qu’en 1898, Rafael Señán González (1864-1911) et Rafael Garzón Rodríguez, qui avaient tous deux un studio dans la calle Real de la Alhambra, décidèrent de s’associer et ouvrirent une galerie photographique où ils pouvaient recevoir les visiteurs dans de bonnes conditions. Cette galerie comportait un patio arabe où Señán et Garzón recréèrent une cour de l’Alhambra, y incorporant des portes et des fenêtres derrière lesquelles étaient placés des fonds peints avec vue de l’Alhambra, notamment de la cour des Lions, ou du Generalife. Cet aménagement leur permettait de bénéficier d’une grande profondeur visuelle, le contrôle de la lumière naturelle étant assuré par des rideaux et des auvents. Le dispositif était complété par des meubles, des armes, des coussins, des tapis, des céramiques ou des narguilés qui contribuaient à parfaire l’ambiance orientale du studio. Une garde-robe composée de costumes orientaux permettait aux touristes de se déguiser. Le portrait mauresque, qui devint un genre à part entière, connut un succès foudroyant et se développa dans tout le sud de la péninsule ibérique. Dans leur studio, les voyageurs pouvaient non seulement se faire photographier mais aussi acheter du matériel photographique, des cartes postales et des photographies de Grenade, Séville, Malaga, Ronda, Cadix, Algésiras, Cordoue, ainsi que de Gibraltar, Tolède et Tanger. L’association de Garzón avec Señán fut cependant de courte durée puisqu’elle prit fin le 31 janvier 1904 pour des raisons qui restent inconnues. C’est cette même année 1904 que Garzón fut nommé photographe officiel lors de la visite d’Alphonse XIII à Grenade. Garzón, en plus de la Galería del Kadi au 24 de la calle Alhambra, ouvrit un nouveau studio à Grenade au 36 de la calle Gomerez ainsi que deux succursales, l’une à Séville en 1904, 5 calle Méndez Núñez, et l’autre à Cordoue en 1910, la Casa del Kalifa, 127 plaza del Triunfo. Il confia la gestion du studio de Séville à son beau-frère, Fernando Fernández, et celui de Cordoue à son fils aîné, Rafael Garzón Herranz (1889-1966). Chaque studio avait sa galerie arabe. À Cordoue, un texte publicitaire faisait l’apologie du studio :

" Rafael Garzón. Studio hispano-arabe. Casa del Kalifa Triunfo, 127. Córdoba. On parle français. English spoken. Cette maison possède un beau studio arabe dont l’ornement est des plus riche et délicat. M. Garzón a une garde-robe arabe, assortiment de beaux costumes avec lesquels ces messieurs se font photographier à côté de leur belle sultane, allongés, fumant une pipe, en un mot le souvenir le plus beau, le plus séduisant et plus surprenant. Tout cela se trouve dans la maison arabe de Garzón, Triunfo 127 à Cordoue dont l’entrée est gratuite.

Chambre noire. Cartes postales. Aquarelles. Photos des principales villes d’Espagne et du Maroc. Développement de films et plaques. Mantilles andalouses et types du pays, modèles et nombre infini de souvenirs de Cordoue. Vues colorées à la main et portraits. Nous supplions Messieurs les voyageurs de visiter cette maison. "

Mis à part les portraits mauresques, Garzón excellait dans la photographie d’architecture. Il reproduisait les monuments de Grenade, mais aussi plus largement ceux de l’Andalousie, notamment de Cordoue et de Séville. Sa production n’était surpassée que par celle de la maison Laurent de Madrid. Pour le traitement de ses négatifs, Garzón adopta les techniques d’archivage élaborées par la maison madrilène : une bande de papier fixée sur le négatif indiquait le numéro de la photographie, suivi d’une légende comportant la localité, le sujet photographié et la signature de l’atelier. La majorité de sa production concerne l’architecture monumentale. Le reste se rapporte essentiellement à des vues de villes, de quartiers et de rues. Garzón consacra aussi une partie de son travail à des scènes de genre dans lesquelles posaient des Gitans, mais cette production est une part très minoritaire de son œuvre.

Il est difficile de dater ses prises de vues. Celle de Cadix, Algesiras, Gibraltar et Tanger, qui sont regroupées dans son catalogue commercial, ont pu être prises en 1901 au cours d’un même voyage dont Tanger était la destination finale. C’est là que Garzón se procurait les costumes et accessoires destinés à ses galeries arabes.

Les studios photographiques de Garzón furent de véritables entreprises photographiques, dont il assura la prospérité et le développement grâce à la publicité dans les quotidiens, les périodiques et les guides de voyage. Il est très probable que des photographies eussent été disponibles auprès des hôtels à l’instar de ce que pratiquait la maison Laurent à Madrid.

Les photographies de Garzón s’adressaient principalement aux touristes auxquels il offrait, en cartes postales ou en tirages de différents formats, des vues des principaux monuments d’Andalousie. Les formats les plus importants correspondant à des négatifs sur plaques de verre de 50 x 60 cm, n’ont été utilisés que pour des vues de Grenade, Cordoue, Séville et Tolède, mais Garzón a aussi travaillé avec des formats 21 x 29, 18 x 24 et 13 x 18 cm. En revanche, il n’a jamais réalisé de vues stéréoscopiques ou de panoramas. Seules des vues de Grenade, Cordoue et Séville ont fait l’objet de cartes postales. Ses photographies ont été reproduites dans des publications espagnoles telles que Panorama Nacional, Maravillas de España, España artística y monumental, mais aussi étrangères.

Après le décès de Garzón en 1923, ses studios poursuivirent leur activité grâce aux membres de sa famille qui se chargèrent de leur exploitation. Toutefois, le studio de Séville ferma en 1933 et, si ceux de Cordoue et de Grenade résistèrent à la guerre civile, la Seconde Guerre mondiale leur fut fatale. Le studio de l’Alhambra ferma en 1939 et celui de la Calle Gomerez en 1945, date à laquelle les Garzón abandonnèrent définitivement la photographie.

Les négatifs des portraits qui ont subsisté sont en très mauvais état. Une partie des négatifs des vues d’architecture conservée dans la Casa del Kalifa de Cordoue par une des branches de la famille Garzón est en revanche en bon état. Les négatifs conservés à Grenade sont perdus, mais il existe une importante collection de positifs qui représentent quatre-vingt-dix pour cent environ de la production des studios Garzón. Elle est conservée par une autre branche de la famille Garzón.

          Le fonds photographique Garzón à la MAP

La MAP conserve deux albums de Garzón comportant au total 49 tirages (numéro de versement : 80/449). Le premier, coté F°546 mesure 70 x 60 cm et pèse 14 kilogrammes. Les 25 tirages qu’il contient mesurent 55 x 43,5 cm. Les dimensions du second album, coté F°547, sont de 57,5 x 70,5 cm. D’un format à l’italienne, il pèse également autour de 14 kilogrammes. Les deux albums ont été restaurés (tirages et reliures) en 2021 avant d’être numérisés. La totalité des images, prises en Andalousie à Cordoue, Grenade et Séville est légendée et numérotée. Il s’agit exclusivement de vues d’architecture. Ces albums proviennent sans doute du musée de Sculpture comparée dont le fonds photographique a été affecté à la MAP en 2000. Toutefois, aucune trace de ces albums n’a été trouvée sur les registres d’inventaire du musée et les tirages ne comportaient aucun numéro d’inventaire.

Le format imposant des albums, celui non moins spectaculaire des tirages et l’intérêt documentaire et esthétique de ces images assurent à ces deux albums une place de choix parmi les pièces les plus remarquables conservées dans les collections photographiques de la MAP.

> Les photographies de Garzón numérisées sur POP 

Isabelle Gui
Chargée d'études documentaires principale à la MAP
janvier 2022