Découvrez les photos de Francis Apesteguy sur POP
Décédé le 30 janvier 2022, Francis Apesteguy laisse derrière lui un fonds riche de 80 000 négatifs avec leurs planches contact, 60 000 diapositives couleurs, 500 tirages, 4 cartons d’archives et de justificatifs de publications. Ses filles et héritières ont choisi de faire don à l’État de l’œuvre de leur père, sauvant ainsi son travail de l’oubli.
Francis Apesteguy est né à Suresnes en 1952. Le 27 septembre 1972, alors qu'il dînait au drugstore Publicis des Champs-Élysées, l’immeuble fut ravagé par un incendie. Dans la cohue, il arriva à capter le saut d’une employée qui se jetait du premier étage, pour être réceptionnée par la foule. Par « cet instant décisif », il réalisa à l’âge de vingt ans son premier scoop, puisque sa photo fut publiée par France Soir sur cinq colonnes à la une. La diffusion large de ce cliché lança sa carrière.
Il intégra l'agence française de photojournalisme Sipa Press, qui venait d'être créée et réalisa ses premiers reportages en Irlande du Nord. De 1977 à 1997, il travailla à l’agence Gamma. Surnommé « Apes » par ses confrères, il devint au fil du temps un spécialiste reconnu de photographies de célébrités « prises sur le vif », autrement dit un paparazzo. Il fut alors amené à suivre durant plusieurs décennies la vie de personnalités connues telles que Jackie Kennedy-Onassis, Caroline de Monaco, Johnny Hallyday, Catherine Deneuve, Alain Delon, John Travolta, et d’hommes politiques tels que François Mitterrand ou encore Jacques Chirac. Peu à peu, Apesteguy réalisa des photos plus officielles pour l’Élysée et le Sénat.
En 1981, il devint le personnage clé du documentaire Reporters. Dans ce long métrage, Raymond Depardon, membre fondateur de l’agence Gamma, nous montre le métier de ses collègues en pleine action et prêts à tout pour obtenir une image. On découvre par exemple l’acteur Richard Gere exaspéré par Apesteguy. Depardon nous livre ainsi sans jugement un regard sur cette profession mal aimée.
En 2014, ses photos furent sélectionnées pour l’exposition Paparazzi ! au Centre Pompidou-Metz : son sens inné du contact, son opiniâtreté avait fait d’Apes la référence obligée d’un genre photo-journalistique, auquel il donna en quelque sorte ses lettres de noblesse. Cette exposition fut une forme de consécration pour lui.
La carrière d’Aspesteguy, que l’on ne peut dissocier de l’âge d’or des agences de presse, fut aussi marquée par d’autres reportages plus engagés, plus politiques. En 1974, la loi Cressard, qui venait d’être votée, reconnaissait aux journalistes pigistes le statut de journaliste professionnel et des indemnités de licenciement. Cependant, la reconnaissance de leurs droits permettant aux photographes de bénéficier d’une protection sociale fut le fruit d’un long combat. Par ses engagements syndicaux et associatifs en faveur des droits des photographes, Francis Apesteguy en fut un des grands acteurs. En 2015, il lança une pétition de soutien pour la photographe Marie-Laure de Decker dans ses démêlés judiciaires avec l’agence Gamma-Rapho. En 2019, il se battit pour défendre le patrimoine de Sylvain Julienne, grand reporter-photographe, un ami duquel il disait : « je n’aurais jamais osé son terrain, le mien de paparazzo où je recevais des baffes, alors que sur le sien, il recevait des bombes… Nous avons rempli de photographies les pages des magazines, lui de vérité, et moi de futilité ».
Issu de la génération des photographes baby-boomers, Francis Apesteguy a saisi les moments furtifs d’une époque révolue dans laquelle les stars ont laissé place aux starlettes, les téléobjectifs aux smartphones et la presse aux réseaux sociaux. Son œuvre est emblématique d'une forme importante de la photographie contemporaine même si elle reste mal considérée.
Toutes les images sont de Francis Apesteguy (1952-2022) © Ministère de la Culture (France), MPP, diff. RMN-GP
Marie Bertin, MPP, 2022